Passion
La guerre en Ukraine, si subite et si proche de nous, nous fait redécouvrir le tragique dans l’histoire. Non pas qu’il avait disparu, mais nos yeux avaient pu s’en détourner, occupés par les multiples écrans qui attirent notre regard et le détournent de nos frères les plus souffrants, des situations les plus dérangeantes.
Pour nous chrétiens, qui nous préparons à célébrer la Passion du Seigneur, cela ne devrait pas être une découverte. Nous savons bien que le Seigneur est au cœur de l’histoire de l’humanité, qu’il la connaît, qu’il connaît ses souffrances, ses cris, ses malheurs. Que jamais il ne se détourne, que c’est lui qui nous ramène vers nos frères. Nous l’avons entendu de nouveau le 3ème dimanche de carême, Dieu dit à Moïse au buisson ardent : « J’ai vu la misère de mon peuple, j’ai entendu ses cris, je connais ses souffrances ».
Nous ne pouvons pas ne pas entendre la conclusion qui est une vocation : « Je suis descendu pour délivrer mon peuple. Maintenant donc, va ! Je t’envoie… ».
Le Seigneur qui est descendu libérer son peuple, c’est bien Celui que nous célébrons au cours de la semaine sainte, du dimanche des rameaux et de la Passion au Triduum pascal. Nous pouvons comprendre alors le double sens du mot « passion », ou plutôt que ce mot ait changé de sens, converti par l’amour de Dieu révélé par Jésus jusqu’à la croix. Si étymologiquement, il trouve sa racine dans le verbe « souffrir » (en ce sens on appelle les malades « patients »), il est devenu en Français courant l’amour fou, l’amour absolu, justement à cause de cet amour que Jésus nous manifeste dans sa passion, un amour que ni le mal ni la mort ne peuvent empêcher.
Dans le tragique de la situation historique que nous vivons aujourd’hui, comme dans le tragique de chacune des situations personnelles que nous pouvons connaître, nous ne pouvons pas oublier notre vocation de croyants. Révélée à Moïse « Je suis descendu… Maintenant donc, va ! Je t’envoie… », cette vocation nous est confirmée par Jésus au cours du repas du premier jour de sa Passion lors du lavement des pieds : « …afin que vous fassiez vous aussi comme j’ai fait pour vous ».
Le premier jour du Triduum pascal, le jour de la Passion, est aussi le 6ème jour de la semaine, le jour où Dieu créa l’Homme à son image. C’est ce jour-là que l’humanité est recréée, pour que nous apprenions à aimer avec le Christ. Devant le tragique de l’histoire, devant la souffrance de nos proches, devant le mal qui nous atteint, n’accusons pas Dieu ! Écoutons-le plutôt : « Je suis descendu… Maintenant donc, va ! Je t’envoie… »
Père Bernard DUPRAZ